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LA QVATRIESME PARTIE

DE

L'ASTREE

DE MESSIRE HONORE D'VRFE.

LIVRE PREMIER.

A Nimphe Leoni de eftoit à peine hors de la maison. du venerable Pho

cion, où elle auoit laiffé Celadon, déguisé du nom & des habits de la Druyde Alexis fille

A

du fage Adamas, qui estoir couchee en la mefme chambre, où Aftrée & Phillis eftoient, lors que le paffionné Berger les voyant efueillees, & fe fouuenant des propofitions que le iour auparavant Aftree, & elle auoient faite de changer d'habillements, fortit impatiemment du lict, & fe mettant fus elle promptement la robbe de la Bergere, s'en vint où elle repofoit,pour luy ramenteuoir ce qu'el le luy auoit promis, & s'approchant doucement de fon lict, contemploit auec admiration les beautez qu'elle n'eftoit foigneufe de tenir couuertes, car fa chemife, qui comme elle fe tournoit, s'eftoit entr'ouuerte, laiffoit paroiftre vn fein plus blanc que neige: Ainfi que s'éueillant en furfaut, & n'ayat point apperceu l'arriuce de la

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Druyde surprise à sa veuë, la receut auec vne rougeur, & vn adueu de fa honte, & de l'étonnement qu'elle auoit de fa diligence qu'elle attribuoit à l'incommodité qu'elle auoit euë d'vn fi mauuais logement, & s'excufant de ne s'eftre pas trouuce à fon leuer, pour luy ayder à s'habiller, & luy rendre les deuoirs auquels elle eftoit obligee, pria Phillis de fe leuer aux protestations de la crainte qu'elle auoit qu'Alexis ne s'ennuyaft en vne compagnie fi differente de celles qu'ont ordinairement les filles de fa qualité, & de ce qu'elle ne fçauoit comment fatisfaire aux commandemens qu'elle auoit receus de Phocion, pour luy faire bien paffer le temps, mais que bien qu'elle n'en fceuft gueres de moyen, elle ne laifferoit de faire

tout ce qui luy feroit poffible, pour s'en acquiter: la feinte Druy, de alors ne fçachant comment dignement recognoistre tant de courtoifies, & s'en reffentant auec les careffes ordinaires, entre les filles qui s'ayment bien fort, luy répondit que ces paroles de compliment n'eftoient point neceffaires entr'elles, puifque leurs façons de viure luy eftoient fi agreables qu'elle ne s'y pouuoit iamais ennuyer, & qu'elle les prioit seulement de ne s'y point contraindre pour elle, qui defiroit traitter auec toute force de familiariré auec elles, fi elles le trouuoient bon. Ioignant à ces difcours tant d'autres affeurances de fon contentement qu'Aftrée & Phillis luy en demeu. rerent grandement obligees, & cela fut caufe que renouuellant leurs

careffes, comme les plus feurs gages qu'elles fe peuffent donner l'vne à l'autre ? Le bon-heur du Berger eftoit tel, que fans la contrainte qu'il eftoit forcé de faire, de peur d'eftre recogneu, il luy eust efté peut-eftre impoffible d'en defirer vn plus grand, Et à la verité il faloit bien que l'artifice dont il vfoit ne fuft pas petit, puifque viuant parmy des perfonnes, qui le cognoissoient si bien, & quin’auoient pas manque d'efprit ny de jugement, il fe fceut toutefois déguifer de telle forte qu'elles ne peurent iamais foupçonner que cette feinte Druyde fuft leur tant aymé Celadon. Il eft vray que la creance du grand Druyde Adamas, qui l'aduoüant pour fa fille, fauorifoit ce déguisement,luy pou uoit bié ayder beaucoup; car mal

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