aysément cust-on jamais péfé que ce Druyde, qui s'eftoit acquis tant d'authorité, vouluft prester la main à vne feinte, qui eftant recogneuë mal à propos, pouuoit grandemét diminuer fa reputation, & principalement en cette contrée, où Celadon eftoit fi fort cogneu de tout le monde, qu'il falloit qu'il trompaft les yeux de tout vn païs, puifque fi vne feule de fes actions euft tant foit peu démenty le nom de fille qu'il portoit, il eftoit perdu. Imaginez-vous vn peu quelle prudence, il deuoit auoir pour faire qu'à fon vifage, à fa parole, & à fes façons de viure,il ne donnait point de fujet de foupçon à des perfon-. nes qu'il auoit adorées, & qui pouuoient voir en fon vifage tant de traits de celuy qu'elles auoient fi bien graué en l'ame, & dont la feu le idée leur eftoit encore toute recente. Il viuoit auffi dans vne perpetuelle crainte, qu'elles ne recognuffent fa vraye condition, & que quelque bruit ne leur découurist qu'il eftoit leur vray Celadon:cette apprehenfion luy faifoit embraffer auec prudence les moyens de détourner les accidens, qui pourroient troubler fa felicité, en auançant dextremét l'execution de fon entreprise: & d'autant qu'il voyoit Aftrée dé-ja fort disposee à l'aymer, comme Vierge Druyde, il s'imagina que s'illuy imprimoit bie auant cet Amour, encore que ce fuft fous vn titre feint d'Alexis, il le luy pourroit ayfément faire receuoir par apres, fous celuy de fon Celadon, qu'elle auoit tant aymé au lieu de cefte Vestale imaginaire. Et encore qu'il fceuft fort bien A j que les chofes inacoutumees fem blent eftranges au commencemét, il penfa qu'elle s'y porteroit toutefois par imitation, fçachant bien que l'on n'eftime pas faillir lors que c'eft par l'exemple des perfonnes que nous honorons. Il creut donc que difant auoir de l'amour pour elle, il la pourroit ayfément porter à receuoir pour luy vne femblable impreffion, & qu'il obtiendroit ainfi d'elle ce qu'autrement il juger oit impoffible. mais quand il voulut mettre en effet cette deliberation,il y trouua beaucoup plus de difficulté qu'il ne s'eftoit pas propofé, & cogneut bie qu'il eftoit mal-ayfé qu'il fe fift paroiftre amoureux d'vne perfonne, quoy que de mefme fexe, fans donner vne opinion qui ne fuft moins honneste que ne requeroit la ce condition de Druyde, qui eftoit ce qu'il vouloit paroiftre: il ne laissa pas toutefois de chercher en fon imagination vn expedient propre à ce qu'il defiroit, & y ayant quelque temps pensé, Phillis qui n'auoit encores gueres parlé, voyant qu'il réuoit, luy dit, Madame, ie vous y prends, il faut bien que foit à noftre confufion, qu'vfant de la liberté que vous m'auez permife, ie vous die que nonobstant vos ciuilitez vous réuez perfonne qui s'ennuye.Pardonnez moy difcrete Bergere, répondit Alexis, ce n'eft pas la caufe de mon filence, mais l'ordinaire couftume des Vestales d'eftre vn peu retirees en elles mefmes, fi promptement, apres leur réueil. C'est Madame, répondit Aftrée, la crainte qu'a ma compagne, que ce qu'elle dit foit comme vne BIBLIOTH DE LA LYON עוות vray, qui luy a fait dire, & fetour. nant vers elle; Comment ma sœur, luy dit-elle, hé!vous ne vous dépefchez gueres, vrayement vous etes fi pareffeuse, que vous laifferez habiller Madaine toute feule, fans vous fouuenir qu'elle fe fait Bergere aujourd'huy, & que noftre af fiftance luy eft par confequét plus neceffaire que noftre difcours. Ma fœur, dit Phillis, en fe jettant hors du lict, j'auoüe que j'ay failly, mais je m'eftonne comment vous m'en ofez accufer, puifque ç'aefté par voftre exemple. Aftrée vouloit répondre lors que la Druyde les conjura l'vne & l'autre, de ne fe mettre point en peine d'elle; & que leur habit eftoit si facile au prix du fion, qu'elle n'y auoit point de difficulté, & receuant vn extréme contentement |